Le tatouage sur son poignet se mit à le brûler. Son âme sœur était dans la pièce.

d'aventure

     Tristan avait toujours été une farce de la nature. Né dix-neuf ans plus tôt dans une grande famille aristocratique d’ours polaires garou, il était le seul à être un panda. Impossible pour lui d’être pris au sérieux par ses proches. Il avait eu la malchance de récupérer un héritage vieux de dix-sept générations : il était à lui tout seul le rappel que son arrière arrière arrière […] grand-mère avait fauté avec un monsieur panda lors d’un voyage en Asie. Leur lignée si fière n’était plus de sang pur depuis, et chaque fois que les siens posaient les yeux sur lui, ils l’avaient visiblement encore en travers de la gorge.

     Si c’était son unique défaut, il pourrait s’en incommoder, mais non, il les cumulait. Entre son régime végétalien qui obligeait sa mère à lui importer du bambou, sa maladresse qui jurait au milieu de tous ces guerriers, son intolérance au froid, ses muscles mous… Il ne rêvait que d’une chose : quitter ce Canada pour se réfugier en Chine où il serait enfin compris. Il pourrait peut-être même s’unir avec un congénère, pour peu que ce dernier accepte qu’il puisse donner naissance à un ours blanc.

     Il soupira. D’un côté comme de l’autre, il serait certainement toujours rejeté. Alors autant rester dans les jupes de sa génitrice, la seule à l’aimer comme il était. De toute façon, elle avait refusé qu’il parte. Elle allait se remarier et comptait bien le garder avec lui pour fonder ce nouveau foyer.

     Il contempla le tatouage sur son poignet et le caressa du doigt.

     Sept cents ans plus tôt, alors que la guerre de vingt ans était bien entamée, Mère Nature avait visiblement jugé les garous trop sentimentaux et leur avait donné un « coup de pouce » : un tatouage qui apparaissait dès dix ans pour trouver la meilleure personne avec qui engendrer la descendance la plus viable et puissante possible. 

     Ce concept d’âme sœur permit aux garous d’oublier leurs amourettes et de se focaliser sur leur survie. Ce que vieille vieille vieille mamie n’avait décidément pas en tête quand elle s’était amusée avec son bel asiatique.

     Tristan rêvait de rencontrer son âme sœur, la seule et unique née rien que pour lui, mais avec sa chance légendaire, il craignait tout autant le résultat. Il pourrait tomber sur un dindon, un chien, ou pire… un ours. Si jamais il devait être lié à un ours, jamais il ne le lui pardonnerait.

     Il entendit la sonnette de la maison, puis sa mère l’appela et il sortit de sa chambre. Son futur beau-père et ses enfants venaient tout droit de Sibérie pour emménager ici, dans leur grande demeure. Il se carapata dans un coin en retrait du salon, le temps de respirer un bon coup et de se préparer à la suite.

     Il fronça les sourcils. Quelque chose clochait.

     Le tatouage sur son poignet se mit à le brûler. Son âme sœur était dans la pièce.

     Le cœur battant, il déglutit. Il n’avait plus qu’à espérer qu’il ne s’agisse pas de son futur beau-père. Ce n’était pas impossible, sa mère avait déjà trouvé son âme sœur. Son géniteur, qui était mort quinze ans plus tôt.

     Il entendit soudain des flopées de jurons. Il sursauta et sortit la tête de sa cachette pour se perdre dans les yeux de trois jeunes hommes qui le dévisageaient avec stupéfaction. L’un devait avoir quinze ans, l’autre, la petite vingtaine, et le dernier, au moins vingt-cinq. Et chacun d’entre eux frottait son tatouage.

     Trois ? Et que des hommes ? Et sa descendance, alors ?

     Tristan était un bug dans le système.

     — Pitié, qu’on m’achève…

d'aventure

J’espère que tu as passé un bon moment. Si oui, continue avec les deux autres 😍